BOUILLON (Emmanuel Théodose de La Tour d'Auvergne, cardinal de). Lettre avec APOSTILLE signée ( G 5484)

BOUILLON (Emmanuel Théodose de La Tour d’Auvergne, duc d’Albret, cardinal de).

Né au Château de Turenne. 1643-1715.

Prélat, neveu de Turenne.

Lettre avec Apostille autographe signée « le cardinal de Bouillon Doyen du Sacré Collège » à Alessandro Borgia.

Utrecht (Allemagne), 10 mars 1713. 2 pages in-4. Excellent état (sauf bord du feuillet droit irrégulier)

Rare lettre du cardinal de Bouillon, en exil ; perdant la confiance du roi Louis XIV suite à des actes de désobéissance répétés et son soutien à Fénelon, il passa à l’ennemi en 1710.

Bouillon recommande un ecclésiastique envoyé par le pasteur de La Haye : ...Cet ecclesiastique, qui m’est venu voir, et que j’ay beaucoup examiné et questionné, m’a paru fort orthodoxe, et tout a fait éloigné de toutes nouveautés en matiere de doctrine et de sentiments : Il est bien vray qu’il a esté nommé par le feu Archeveque de Sebaste, mais il n’en a reçû les pouvoirs pour exercer son ministere que comme tous les autres pasteurs soûmis et non soûmis les recevoient infifferemment de ce Prelat (...). Cet Ecclesiastique a dans la communauté, dont il a soin, deux partys dont on ne veut point avoir d’autre pasteur que luy et l’autre, qui luy est opposé, est neanmoins tres disposé a le recevoir, a le reconnoitre et a le garder, si vous l’agréer, et si vous luy continuer ses pouvoirs. Je ne puis pas m’empecher de vous dire, Monsieur, par la connoissance que j’ay de l’estat de l’église et de la Religion en ce paÿs cy depuis que j’y suis, qu’il ne doit pas estre gouverné comme les autres, qu’il faut user de plus d’indulgence et de facilité qu’ailleurs, et ne pas trop remuer et changer les choses qui y sont établies, mais les laisser comme elles sont en usage, a moins qu’il ny ayt un déreglement evident a corriger.

J’expliqueray sur cela mes sentiments, et ce que l’expérience m’a appris, quand je seray a Rome : je vous assure qu’il faut estre sur les lieux pour bien connoitre ce paÿs cy. Je vous conseille de pendre beaucoup de confiance au Pasteur de La Haye dont j’ay conçu toujours une plus grande estime, a mesure que je l’ay connu et pratiqué : c’est un homme qui joint beaucoup de prudence et de capacité (...) et tres desinterressé pour les personnes dont il est chargé ; on ne peut pas le bien connoitre je vous assure, sans en faire beaucoup de cas...

Emmanuel-Théodose, neveu de Turenne, entré dans les ordres, n’obtint pas seulement un grand nombre de prébendes mais aussi, à l’âge de 26 ans, la pourpre cardinalice, et devint Grand aumônier de France puis avec la même fonction, Grand officier du prestigieux ordre du Saint-Esprit. Après son ralliement dans le camp des puissances ennemies, Louis XIV intenta un procès en félonie contre son Grand aumônier.

La confiscation totale de ses revenus français, l'hostilité qu'il ne tarda pas à soulever dans son exil par ses mauvais procédés l'incitèrent en 1712 à gagner Rome. « Cardinal pauvre », il s'installa près du Quirinal. Bouillon y mourut le 2 mars 1715, six mois avant le Roi, « d'orgueil, comme toute sa vie il avait vécu », ou de « rage » : Saint-Simon hasarda les deux diagnostics dans ses Mémoires.