MALRAUX (André). Né à Paris. 1901-1976.
Écrivain et homme politique. Intellectuel engagé. Ministre de la Culture.
L.A.S. « André Malraux » à l’essayiste EMMANUEL BERL. S.l.n.d, 23 juillet [1952]. 1 p. 1/2 in-8.
BELLE ET INTÉRESSANTE LETTRE AMICALE À UN INTIME DE LONGUE DATE, L’ESSAYISTE EMMANUEL BERL QUI LUI AVAIT DÉDIÉ SON PREMIER OUVRAGE « MORT DE LA PENSÉE BOURGEOISE » EN 1929
...J’ai donc fait une rechute de plus. Ça devient lassant. Passons... Pour le tome III [de L’Histoire de l’Europe, Gallimard, 1951], j’espère que le service [de presse] a été fait proprement (je ne l’ai évidemment pas vu). Sinon, donnez un coup de téléphone à Beuvet, qui sera chez moi à ma place à partir du 1er août... Il enchaîne sur le roman autobiographique Sylvia, que Berl venait de faire paraître, également chez Gallimard : ...Je ne trouve pas ce que vous dites de Sylvia décourageant. J’ai toujours pensé que la bizarre barrière qu’il y a entre vous et le public craquerait un jour. Pourquoi pas sur ce livre, auquel vous semblez vous acharner, et qui recoupe en vous bien des choses importantes ? Sans doute la barrière tombera-t-elle par une sorte de pourriture naturelle, coïncidant avec un tableau d’avancement (quelque part en enfer) ; encore est-il bon d’aider le bois mort à tomber... Quant à la politique !...
Le journaliste et essayiste Emmanuel Berl (né en 1892 au Vésinet près de Paris), fréquente les Surréalistes, en particulier Aragon, et son ancien condisciple du lycée Carnot, Pierre Drieu La Rochelle avec lequel il publie un périodique éphémère Les Derniers jours, puis collabore aux Cahiers bleus de Georges Valois. En 1928 il rencontre André Malraux et lui dédie Mort de la pensée bourgeoise (Grasset, 1929), un pamphlet dans lequel il dénonce la pensée intellectuelle conformiste contemporaine. Successivement favorable à Pétain et hostile à la révolution nationale, rompant avec Vichy, il s’exile en Corrèze en juillet 1941 où il est rejoint par Bertrand de Jouvenel, le dessinateur Jean Effel et André Malraux et sa compagne Josette Clotis. Au lendemain de la guerre, il abandonne la politique pour se consacrer à la rédaction d’ouvrages autobiographiques. En 1967 l’Académie française lui décerne le Grand Prix de littérature.
Intime de Malraux qui lui reprocha son manque de volonté politique, les deux écrivains nouèrent néanmoins des liens d’une amitié pérenne. Berl dans les entretiens qu’il accorda à Patrick Modiano à la fin de sa vie lui confiait les raisons de la longévité de sa belle amitié avec Malraux, toute intellectualisée : « Je crois qu’il y a un lien entre sa métaphysique et la mienne, sans cela, on n’aurait pas pu se supporter aussi longtemps, tant d’années, tant d’heures. Il y a une obsession du divin ressenti en tant qu’absence, auquel il faut penser toujours sans en parler jamais... »