MERLE (Robert).
Né à Tébessa (Algérie). 1908-2004. Écrivain.
L.A.S. « Robert Merle » à « Monsieur » [Auguste Dupouy].
Chamalières, 6 août 1926.
4 pp. in-4, lignées et margées, détachées d’un cahier. Enveloppe jointe. Timbre et marques postales.
Belle lettre de jeunesse (Robert Merle a 18 ans), à la fois lucide et ironique.
...Je ne vous écris pas de la Savoie [...]. Un vent favorable m’a mené des Alpes aux Dômes. Là-bas, je suis monté jusqu’à la mer de glace, j’ai ramé et nagé dans le Lac d’Annecy. Ici j’ai nagé dans le Lac Chambon... explique-t-il avant d’évoquer ses lectures : Ch. Maurras, G. Valois. ...J’ai aussi de grandes discussions sur la nécessité d’établir une morale internationale [...]. Je reçois des lettres de Kapferer dans le style et la manière de Géraldy, Dékobra ou Giraudoux. Que ne se corrige-t-il pas ? Je lui ai pourtant fait lire les « Amants de Venise » et « La Musique intérieure » [...]. Je n’ai aucune peine à vous imaginer à Pen’March, « dans la Société de quelques peintres et de quelques pêcheurs » selon [ce] que dit de vous la notice biographique de l’édition Lemerre. Il me souvient que vous nous aviez dit, [...] que vous partiez en mer vêtu d’un mauvais pantalon, en bras de chemise, larguant je ne sais plus quelles voiles [...]. Enfin, les barques bretonnes connaissent « l’orgueil des départs », et vous les connaissez comme elles. Il ne m’est pas difficile de comprendre cet amour de la mer, moi terrien, mais moi qui ne peux voir 50 cm d’eau sans m’y plonger, et qui ai les mains durcies et carnées à force d’avoir ramé sur les Lacs de Savoie... Par ailleurs on lui a raconté qu’à la dernière séance du congrès socialiste ...Léon Blum fut moins brillant et « distingué » qu’on ne l’attendait, soit qu’il fut fatigué, soit que la démagogie, à la longue, use et dégrade la politesse intellectuelle. Mais ce qui fut le plus notoire, ce fut une phrase émanée des lèvres d’un socialiste connu : « La paix, nous la défendrons par tous les moyens, et s’il ne suffit pas des matraques, nous aurons des canons !...
Dans le journal L’Œuvre il a vu ...Mussolini vilipendé, Primo de Rivera insulté, Churchill malmené, et l’Angleterre honnie. C’est alors que je pensai à écrire quelque petite chose sur le bellicisme et le chauvinisme des partis humanitaires : Il se trouve encore des gens pour s’indigner de la langue rabelaisienne de Daudet. Pour moi, je suis bien plus sensible à l’amertume des choses qu’à la salure des mots. [...] L’an prochain, je compte entrer en Rhétorique Supre [...]. En tout cas, ce qui me tente en ce moment, ce qui m’intéresse, c’est la Littérature, la Philosophie et l’Histoire, et leur emploi : la Politique [...]. Je vous écris de ma fenêtre devant un paysage frais, jeune, varié, le type même de ces paysages d’Auvergne si mal visités et si mal célébrés, sauf cependant par Henri Pourrat dont je lis la Belle bergère. Dites-moi pourquoi, vous qui devez me connaître, Montaigne ne m’intéresse ni ne me passionne, pourquoi mon application ne peut venir à bout de mon indifférence. [...] Jusqu’à son habileté d’expression qui ne me fâche ; cette fausse bonhommie, cette modération étudiée. [...] Voudriez-vous me dire en quoi et comment, et me l’écrire [...]. C’est la bonté que je réclame de vous...
Auguste Dupouy (1872-1967) écrivain prolifique très attaché à la culture bretonne, fut l’un des premiers à étudier la géographie des littoraux.