BANVILLE (Théodore de).
Né à Moulins. 1823-1891.
Poète.
Poème A.S. « Théodore de Banville » titré « Au Public, Prologue de réouverture, dit par ». 3 pp. in-folio.
Beau prologue composé de 80 vers, en l’honneur de la réouverture du théâtre de l’Odéon à Paris
(Extrait) : ...Quand la chaleur intense vous faisait fuir Paris comme une pénitence, À Trouville, à Deauville où rit le flot amer, / En respirant l’air pur et salé de la mer, / Le poète oubliait sa divine folie (...) / Et la Parisienne agile, aux molles poses, / sur la blonde falaise égarait ses bas roses. (...). / Mais après avoir ce loisir, il est temps / Que la Muse renoue à la fin sa ceinture, / Et l’Odéon ce soir fait sa réouverture. Oui le gaz se rallume et nous vous revoyons, / Paris, âmes, beautés que dorent les rayons, / Penseurs qui de l’esprit subissez les brûlures, / Femmes aux doux yeux clairs, aux belles chevelures, / Car le vieil Odéon vous aime, et vous l’aimez ! / Ah ! C’est qu’épris des mots comme de la musique, / Amant de toute ivresse idéale ou physique, / Apte à savourer tout comme à tout concevoir, / Le vrai Parisien de Paris aime à voir / La noble Poésie en sa splendeur première, / Le front ceint de laurier, vivre dans la lumière. / Car la déesse habite en ce clair monument, / Qu’a toujours protégé son sourire charmant, / Chanteuse aux fiers accents, dont la mère est oiselle, / Bohême au front céleste, elle est ici chez elle. / Mais, dites-vous que veut son caprice jaloux / Et comment cet hiver la courtiserez vous ? / On a dit de tout temps : « Menteur comme un programme ». / Nous n’en ferons donc pas. Bouffonerie et Drame, / Alerte comédie au beau rire ingénu, / Tout ce qui vit sera chez nous le bien venu, / Même la tragédie où Roméo soupire, Car jamais ce mot-là n’a fait peur à Shakespeare ! (...). Tout sujet nous convient où la passion vibre (...). / C’est ici la maison de Molière, du grand / Corneille, de Racine au doux flot murmurant / De Hugo, dont les mers ont des frissons de cuivre, / Et du premier venu, s’il aspire à les suivre ! / O Public ! Nos acteurs au pays enchanté / Arrivent, tous remplis de bonne volonté. / Ils seront, s’ils se peut, charmants, sublimes, drôles, / Imprévus ; en tous cas, ils sauront bien leurs rôles, / Et s’efforceront même, à tout événement / De parler sans emphase et naturellement, / Nos actrices, remède à tes mélancolies, / Si j’en crois la rumeur publique, sont jolies, / (...). Songe, / Que, grâce à ton esprit inventif et subtil, / Tu peux en bel or pur transformer le plomb vil ; / Que l’applaudissement, qui nous berce et nous flatte, / fait de la pauvre étoffe une pourpre écarlate, / Et devient, sans féerie, un talisman pour nous ! / Accepte nos colliers de verre et nos cailloux / Tout comme s’ils étaient des diamants de l’Inde, / Et que ton âme soit comme une Rosalinde / Qui lit complaisamment les sonnets d’Orlando ! / Mais c’est assez parler. Qu’on agisse. Au rideau !...