ADAM (Paul).
Né à Paris. 1862-1920.
Écrivain, journaliste et critique d’art. M.A.S. « Paul Adam » intitulé Les Pâques de Corfou.
S.l.n.d. 6 pp. 1/2 in-folio. Nombreuses ratures et corrections.
Dans un récit haut en couleurs, Paul Adam fait revivre le rituel de la Pâque orthodoxe sur l’île de Corfou, à laquelle assistaient de nombreuses personnalités, dont l’empereur d’Allemagne.
...Depuis que l’empereur d’Allemagne séjourne, au temps des Pâques grecques dans Corfou, ses administrateurs, les yatchmen américains, volontiers font escale sur la rade que forme le détroit entre l’ile de Nausica et la côte d’Épire. Paysage littéraire de montagnes bleues et de plages courbes embrassant la beauté calme de la mer où se projette, en maints endroits, l’ombre des oliviers géants. Une très vieille forteresse constitue l’acropole sur le cap effilé comme un trirème qui semble plonger par l’éperon dans les eaux [...]. De leurs lignes sévères, partout, les cyprès divisent l’espace. Ils le guident et l’ennoblissent. [...] L’incomparable lectrice que fut Elisabeth d’Autriche ne pouvait choisir un site plus fertile en suggestions... Les conquérants étrangers s’y succédèrent. ...Aujourd’hui le Caesar allemand parcourt les vallons, escalade les collines, descend, côtoie la mer au son de la trompette qui annonce l’élan de cinq automobiles rougeâtres, l’une timbrée de la couronne impériale, munie d’un pavillon jaune à l’aigle noir et qui porte un Siegfried tantôt en capote et en béret de chauffeur, tantôt en casquette blanche et en manteau militaire. [...] L’atmosphère de Corfou est toute de loyalisme prussien [...]. Pour rompre cette extase, il ne faut pas moins que le vacarme effroyable de la Pâque orthodoxe. Quand onze heures tonnent à la bouche du canon, ce jour de fête, tous les pères de famille égorgent à la fois, sur son seuil, l’agneau pascal, tenu entre leurs jambes, au milieu des fusillades, mousquetades et salves, éclat des fanfares et bris de vaisselles tombant de tous les balcons sur l’âme invisible de Judas l’Iscariote. Par les innombrables escaliers qui gravissent les ruelles à arcades, le sang épanche, ruisselle, s’étale en flaques vermeilles. En même temps, de vingt églises orthodoxes, les processions s’élancent à la suite de leurs musiques, et de leurs popes long-chevelus et barbus, en somptueuses dalmatiques d’orfroi [tuniques brodées]. Ils montrent les ors, les joyaux, les argents des icônes au peuple qui lance des pétards, avant de s’agenouiller dans le sang des moutons. La tuerie continue, les agonisants bêlent du haut en bas de la cité. Les chœurs pieux entonnent leurs hymnes devant les reposoirs [...]. La foule se précipite dans la cathédrale de Saint-Spirideon [Saint Spyridon]... Après cette heure qui évoque ...la lutte entre turcs et chrétiens, c’est encore au village de Gastouri, dans l’ombre de l’Achilléïon, que les touristes se pressent. Anxieusement ils espèrent la présence de l’empereur, aux danses pascales [...]. Chargée de coiffures monumentales et fleuries, cuirassées de bijoux, ornées de vestes grecques en velours et en or, de tabliers en soie rouge ou jaune, ou bleue, cinquante femmes suivent la marche d’Eleusis. Quatre pas en avant, un pas en arrière, ces cinquante idoles avancent, reculent, cinq de front, les mains enlacées. [...] Et sur la dalle à l’ombre d’un figuier colossal, les cinquante idoles irradient au rythme de leurs pas, aux sons d’une musique grave devant l’horizon de l’Épire. Là-bas les monts neigeux, leurs contreforts bleuâtres, l’azur de la mer étale, et les troncs tordus des oliviers... Et dans ce décor rappelant la vie antique, le peuple en fête et les visiteurs étrangers viennent ...saluer la chance du César narquois...