LE ROUX (Maurice). Né à Paris. 1923-1992.
Compositeur, chef d'orchestre et producteur d'émissions musicales télévisées. L.A.S. deux fois « Maurice » à « Mon cher Georges ».
S.l., 10 août 1970. 6 pp. in-4. Papier gravé à ses nom et adresse.
C'est avec beaucoup de retard que Maurice Le Roux répond à la lettre de son correspondant où il lui disait son ...angoisse devant l'énorme travail d'éducation du public, et la difficulté que pose cet immense problème. (...). Notre rôle, est de fournir l'antidote aux empoisonnements distillés savamment par les intérêts (...) qui imposent interprètes et œuvres à un public qui n'a pas d'oreilles pour écouter, ni de cœur pur pour ressentir une émotion musicale. (...) Ce que tu me dis des réactions des gens soidisant cultivés (...) qui créent des chapelles, est exact, c'est exaspérant, je le sais comme chef d'orchestre et aussi comme "initiateur". On a beaucoup de mal à convaincre, et lorsqu'on a convaincu, on retrouve ces mêmes gens retombés ensuite dans leur médiocrité et leurs habitudes (...). À ce stade d'endurcissement, il n'y a pas de remèdes, pas d'espoir (...). Il faut donc retourner d'autres terres (...). Ce qu'il faudrait, évidemment, c'est éviter que les nouveaux publics retombent dans les mêmes conventions, et cela c'est bien difficile parce que Ravel est plus facile que Debussy, Stravinsky que Prokofieff, Pierre Henry que Xenakis etc... (...) Il faut vivre avec cette idée-là et en tirer les conséquences. Et puis savoir qu'en cette période de mutation de civilisation (...), il faut être sûr que la nouvelle génération tournera ses yeux vers d'autres horizons musicaux dont la médiocrité technique sera récupérée et acceptée par la lâcheté des gens de notre génération. Quand tu vois Giscard d’Estaing faire l’apologie de Léonard Cohen et de la pop’music telle qu’elle est aujourd’hui, on peut tout craindre. C'est pourquoi, il faut continuer fermement à croire, expliquer, propager, protéger les musiciens et les musiques que nous aimons. Pour ma part, je suis disposé à être considéré comme un grand singe bleu : c'est une belle métamorphose... conclut-il avant de relater en post-scriptum une anecdote sur Picasso : ...Lorsque j'étais à Barcelone, un vieil artiste catalan m'ayant montré la plaque de la rue Davignan me précisa qu'il y avait là un bordel où Picasso venait souvent. Et que son tableau, intitulé "Les demoiselles Davignan" représente les filles de cet établissement. Rien à voir donc avec Avignon. Amusant n'est-ce pas ?...
Élève d’Olivier Messiaen au Conservatoire national supérieur de musique, Maurice Le Roux devient chef de l’Orchestre de l’ORTF (de 1960 à 1968) et producteur d’Arcana, une émission de télévision musicale de haut niveau, particulièrement suivie.