GOUNOD (Charles). Né à Paris. 1818-1893. Compositeur.
Prix de Rome en 1839. Auteur de Faust (1859).
Manuscrit Autographe. 1 p. 1/4 in-4 (frange supérieure de feuillet légèrement jaunie).
...Rien ne ressemble autant à la grande catastrophe de Babel que l’histoire de la Philosophie ou plutôt du Rationalisme. Les 2 conceptions inouïes sont toutes 2 les filles d’un même père, l’orgueil. À Babel les hommes se disent : « Avant de nous séparer laissons ici un monument impérissable de notre puissance et de notre gloire, et élevons une tour jusqu’à la voûte du ciel » et Dieu pour confondre leur audace confondit leur langage, et les réduisit à l’impossibilité même de se comprendre. Le même châtiment est tombé sur les rationalistes ; la même confusion s’est glissée dans leur langue. De toutes les tentatives de l’homme pour élever par la Raison seule l’édifice de la vérité, de ses efforts pour fonder par les seules forces de son esprit la certitude absolue au sein de laquelle seule l’intelligence trouve la paix à laquelle elle aspire, qu’est-il resté ? Un amas de décombres, les débris d’un monument que l’homme recommence chaque jour, et chaque jour Dieu se rit, pour lequel les siècles en passant n’ont qu’un regard de dédain et un sourire de pitié !...
Aussi quelle confusion ! prenez 2 systèmes de philosophie ! Déjà l’esprit se trouble et s’agite : prenez-en 10, 20, vous arrivez à douter de principes qui d’abord vous avez semblé évidents ; prenez-les tous, alors le chaos est à son comble (...). Quel carnage que cette guerre philosophique ? Les mots y perdent leur sens pour revêtir celui que leur donne l’arbitraire (…) ; le conflit est d’autant plus furieux que les acceptions des termes sont multipliées d’avantage.
L’évidence y est mise en question et citée à la barre du raisonnement ; tout est en combustion ; les disciples à présent issus de leurs maitres s’en séparent pour se tourner souvent contre eux ; et sur ce perpétuel champ de bataille on s’égorge en aveugle, parce que la lumière s’est retirée, et qu’elle ne permet plus aux combattants de se reconnaitre eux-mêmes. Voilà l’histoire du passé et voilà celle de l’avenir, tant que les hommes seront à la merci de la raison humaine.
Comment éviter cet abime ?... par la force de la sagesse, répond Gounod, par une croyance tranquille qui vient ...du sentiment et non de la science. Ne vous approchez plus de moi pour m’entretenir de vos veines disputes et vous n’y gagneriez rien ; vous êtes bien au-dessous de la source à laquelle je puise ma persuasion. Vous partagerez ce sentiment avec moi si vous êtes de bonne foi. Nous vivons tous dans la croyance ; celui qui est aveugle lui obéit sans voir ; celui qui a des yeux la suit en voyant...`