GOUNOD (Charles).
Né à Paris. 1818-1893.
Compositeur. Prix de Rome en 1839. Auteur de Faust (1859).
Manuscrit Autographe. S.l.n.d. 3 pages in-4 d’une écriture serrée.
Extrait :
...La vraie Philosophie consiste à re-connaître ou dé-montrer par la Raison, des vérités connues ou montrées par la révélation. La Raison et la Révélation sont 2 lumières qui viennent de Dieu : ou plutôt elles ne sont qu’une seule et même lumière d’une clarté inégale ; c’est pourquoi la Raison qui ne peut trouver les vérités révélées peut les re-trouver. (...), on ne pouvait pas partir de la révélation pour prouver ; c’était vouloir prouver avec le fait même qu’il s’agissait de prouver. En second lieu, on ne pouvait pas non plus partir de l’expérience, dont les données, recueillies dans le tems, et au milieu d’un mal ou dés-ordre qu’y dépose incessamment la liberté humaine, ne peuvent fournir l’idée des lois qui sont au-dessus du tems, ni celle du bien absolu, qui est cependant la fin de notre être qui n’est pas réalisé en ce monde, et qui devrait être l’objet de toutes les actions humaines. C’est là l’erreur du 18ème siècle ; il partait d’une faculté relative et personnelle ; il ne pouvait ressortir de cette méthode aucune idée absolue ni universelle. - Si on ne veut pas abdiquer la science, il faut se résoudre à chercher dans l’homme une faculté absolue et impersonnelle. Cette faculté est la Raison qui est en nous, mais qui n’est pas à nous : et c’est précisément parce que nous sentons qu’elle ne nous appartient pas personnellement que nous ajoutons une foi si grande à son témoignage ; car si elle nous était personnelle elle participerait de notre faiblesse et de notre erreur individuelle.
Il faut aborder l’ordre naturel qui est celui de la Création, avant l’ordre surnaturel, qui est celui de la réparation : c’est l’ordre logique parce que c’est l’ordre historique et réel, celui auquel la marche de la science doit se conformer.
III° « Il ne fallait pas prétendre que l’homme est appelé par la loi naturelle de son développement à la vie absolue : en tout cas, ce n’est pas un dogme de la raison. »
Rép. - la conséquence de cette objection n’aboutit à rien moins qu’à cette doctrine : « avant que la grâce ne vînt réparer l’homme, la vie éternelle n’était pas le but de la nature et de sa loi » : c. à d. ou qu’avant la chute Dieu n’avait pas encore su mettre l’homme sur la voie de la vie éternelle pour laquelle il l’avait créé ; ou, qu’il attendait pour lui confier un si grand bien que l’homme eût fait le mal ? Donc il aurait été dans le plan de Dieu et de la création que l’homme se révoltât contre Dieu, pour que Dieu se décidât à lui conférer des secours surnaturels qui le conduisissent à une fin qui n’aurait jamais pu résulter de sa nature et de sa Loi ?
Donc la chûte ne rendait point l’homme coupable ; donc il n’avait pas besoin de rédemption ; car sans la chûte point de rédemption ; sans la rédemption point de secours surnaturels conférant à l’homme cette fin qui ne résultait en aucune façon de sa nature et de sa loi ? Ce serait donc ainsi à la chûte que l’homme devrait ses destinées éternellement heureux ? - n’est-ce pas raisonnablement tout le contraire ? -
IV° on blâme ce livre « de ne pas enseigner que nous touchons à la fin du monde et de penser aux progrès futurs que la religion réserve à la civilisation humaine. »
- Rép - comment veut-on que le siècle croie à une doctrine à l’avenir de laquelle ses propres adeptes ne croient plus ? »
Résumé - Toutes les objections qui ont été faites à ce livre font parties d’un esprit de système.
Le Catholicisme n’est point un Système, une École. Il admet tout à la fois Révélation ; Raison ; grâce; liberté ; et seul il sait assigner à chacun de ces grands faits à chacune de ces vérités la place qui leur est réservée dans son Sein, pour qu’il est lui-même la vérité intégrale et universelle, comme l’indique son nom même - mais peu de catholiques ont l’esprit catholique - les hommes qui critiquent la Raison sont ordinairement ceux qui ne la cultivent pas en eux-mêmes : comme elle est en nous ce qu’il y a d’Impersonnel, lorsqu’elle est sacrifiée, il faut bien voir ressortir aussitôt les vices que comportent la partie personnelle...